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Carnets de voyage, avril 2019, ...on dirait le Sud...

De l' Enclave des Papes aux Alpilles

Après notre incursion habituelle de février dans le Rhône Nord, nous voilà repartis pour une petite balade dans la Drôme et les Alpilles pour y déguster les 2017 et 2018.gramme chargé puisqu’outre Trévallon et Pierredon, nous nous rendons au Clos Bellane pour l’assemblage de la cuvée « Gueymarde » 2017 et la dégustation des vins de Stéphane Vedeau (Ferme du Mont, Clos Bellane, J.Boutin).

En chemin, nous avons aussi prévu un petit arrêt chez Anthony Vallet pour y finaliser les assemblages des Quintessence de Rouasses et Cime des Côtes 2017.

Le Quintessence 2017 a été assemblé dans un demi-muid cette année. Nous trouvions en effet que le côté très fruité et arômatiquement moins complexe de l’année se trouvait enrichi par l’élevage dans ce volume plus important. Nous sommes au final heureux d’avoir fait ce choix qui donne au vin une justesse de ton telle que nous la voulions sur ce millésime. Plein et plaisant, d’un abord immédiat, il permettra d’attendre le 2016 dont la complexité et le côté charnu demandent une patience un peu plus longue que d’habitude. Le « Cime des Côtes » sur granit possède lui une structure plus tendue qui enrichit le vin sans rien enlever à son charme immédiat. Ceux qui ont apprécié le 2016 retrouveront dans ce joli flacon le style qu’ils ont aimé avec une attractivité plus précoce.


Odoo image et bloc de texte

Le lendemain, nous nous dirigeons vers Valréas où Stéphane Vedeau nous a préparé plusieurs échantillons qui pourraient faire partie de l’assemblage de la Gueymarde. Pour garder une ossature qui se rapproche des millésimes précédents, il nous propose quelques cuvées où la syrah est présente, assemblée au grenache de façon à garder une structure fraîche qui se mariera à la richesse de celui-ci. Je pense que ce choix avait déjà été pressenti à la vendange en fonction des conditions climatiques de 2017 et de la maturité des cépages. Toujours est-t-il que les échantillons proposés pouvaient, selon la façon dont ils étaient assemblés, constituer une multitude de vins différents. Le choix n’est donc pas évident. Nous nous dirigeons d’instinct vers une base assez délicate qui respecte la fraîcheur et l’accessibilité de cette climatologie riche. La complication viendra plus tard, lorsqu’il s’agira d’habiller le bébé... Car il faut tenter de trouver ce qui va complexifier l’ensemble sans dénaturer la délicatesse de la base choisie. Plusieurs essais nous laissent perplexes, des petits détails viennent perturber l’harmonie globale de l’idée que nous avions en tête.  Nous restons songeurs devant les hésitations suscitées par ce casse-tête, et c’est alors que Stéphane, qui connait parfaitement sa cave et qui perçoit d’instinct ce que nous recherchons, file dans son dédale pour en revenir avec une petite bouteille qu’il assemble avec ce qui nous semblait la base la plus intéressante... et c’est bingo ! Trois pour cent (oui, trois pour cent… !) de ce qu’il ajoute fait l’appoint de ce que nous cherchions depuis plusieurs heures. La Gueymarde 2017 est née…

Nous passons ensuite à la dégustation des différents vins. Les blancs de ces deux dernières années ont hélas subi les aléas du climat et la perte est extrêmement importante. C’est d’autant plus désolant que la qualité est au rendez-vous. Le Côtes-du-Rhône blanc « La Truffière » 2018 (Roussanne, Marsanne, Grenache, Viognier, Clairette) est à mon sens sans aucun doute la plus belle réussite du domaine à ce jour : charme, onctuosité, tension, longueur se croisent et s’entrecroisent sans jamais se heurter et forment un ensemble remarquable d’élégance et de plénitude. Le Valréas blanc met en avant dans les deux millésimes un côté floral et salin dans une délicatesse qui n’est pas sans rappeler les plus beaux Bourgogne du sud. Marsanne et viognier s’unissent ici dans un pas de dance floral et minéral, parfois accompagné de saveurs d’agrumes. Belle gourmandise. La cuvée « Résurrection » est un grand vin de Marsanne : un nez légèrement fumé précède une sensation olfactive nous orientant ainsi vers la groseille verte et le coing avant de s’étendre dans un registre marqué par les fleurs blanches. Une bouche pleine, délicate et sensuelle d’une grande fraîcheur se prolonge et imprègne le palais d’une suavité toute en dentelles. Hélas, ce millésime 2018 a produit tellement peu… 

Ceux qui fréquentent régulièrement nos dégustations connaissent déjà le très beau Châteauneuf-du-Pape blanc 2017 que nous apprécions particulièrement pour son charme, sa rondeur et sa tonicité ainsi que sa capacité à accompagner toute sorte de cuisine raffinée et/ou de terroir.

On poursuit avec les rouges : les 2017 nous surprennent par leur trame aromatique. Les finales parfois un peu heurtées que nous avions perçues en février dans le Nord ne sont pas de mise ici. Que ce soit sur les 2017, Valréas d’une grande distinction et d’un équilibre bluffant, Gigondas plus structuré mais d’une grande gourmandise, Châteauneuf « Vendanges » tendu, tonique et vibrant, au fruit pur et d’une netteté impeccable, ou sur les 2018 Valréas « pureté 400 » impressionnant de complexité et de longueur, Côtes-du-Rhône « Mademoiselle du Mont » (cuvée de jeunes vignes) tout en délicatesse. Le terroir est magnifié par le vigneron et laisse parler tout son potentiel.

Deux autres Châteauneuf sont aussi dégustés : » L’Urgonien 1.14 » atypique de par son exposition au Nord et son terroir de calcaires grossiers et de fossiles. Composé de Grenache (environ 75 %) et de Mourvèdre (environ 25%), il délivre des senteurs de fruits noirs, baies des buissons, tabac et cuir qui subjuguent les sens et mettent en éveil les papilles gustatives. Crémeux et suave, il ne lâchera vos sens qu’après un long moment. Le Châteauneuf « Capelan » reste quant à lui fidèle à son image de vin puissant, riche et complexe qui ravira les amateurs d’un style plus traditionnel.

Une journée en compagnie de Stéphane est un moment de ravissement pour les papilles, mais aussi pour cette relation humaine empreinte d’intelligence, d’humilité et de sensibilité, pour ces échanges rares dans la façon d’aborder une passion commune. Un homme à l’image de son terroir. Et des moments inoubliables…

 

 

Odoo CMS - une grande photo


Les Alpilles, paradis préservé...

Texte Odoo et bloc d'image

L’étape suivante nous emmène vers les Alpilles. Au menu du lendemain, dégustation des 2017 et 2018 à Trévallon le matin et à l'Abbaye de Pierredon l’après-midi. Ce soir petit repas sympa avec Antoine Dürrbach et discussion animée sur la qualité des deux derniers millésimes. De toute évidence, et comme partout dans le Rhône, c’est la quantité qui pose problème sur les rouges en 2017 et sur les blancs en 2018.

Trévallon le lendemain 9h30. C’est Ostiane Dürrbach qui nous reçoit. Elle nous confirme que les blancs ont été décimés en 2018, ce que nous constatons de visu en entrant dans la cave à blancs… C’est d’autant plus dommage que ce que nous dégustons est très intéressant. Marsanne grasse mettant en avant fruits secs et touche miellée, Grenache tonique et suave, Roussanne florale, délicate et élégante…En rouge, grosse disparité en 2017 entre les deux cépages. La syrah est ciselée, chatoyante, délicate, un vrai bonheur. Elle amènera sans nul doute un côté « dentelle » à l’assemblage. Le cabernet sauvignon a réagi différemment à la chaleur. La structure est en effet massive et riche, d’une puissance contenue, formant pour l’instant un bloc qui a besoin de temps encore pour s’assouplir et libérer ses arômes encore enchevêtrés. L’assemblage sera très important car j’ai rarement rencontré depuis que je déguste les vins non assemblés une telle opposition de style, et je pense que le dosage de chacun des cépages dans la bouteille sera peut-être plus important dans cette année que dans d’autres. Avec le millésime 2018 nous revenons à une homogénéité dont nous sommes plus coutumiers. La complexité aromatique n’y est sans doute pas étrangère. Les deux cépages sont en effet plus « proches » au niveau des fragrances de garrigue, et les structures plus semblables aideront à l’harmonisation. Nous notons aussi une belle richesse. Une année supplémentaire d’élevage nous en dira plus sur ce joli potentiel.

Réunion à midi avec le propriétaire de Pierredon et son équipe pour faire le point et fixer les prochains objectifs de la distribution en Belgique autour d’un lunch dans le nouvel étoilé de Saint-Remy (l’hôtel-restaurant Tourrel (dont nous reparlerons dans une rubrique « Les bonnes adresses »).

L'après-midi est consacré à la dégustation des vins du domaine. Celui-ci n’a pas été trop affecté par les conditions climatiques en 2018, et nous nous régalons de la cuvée « Ultima Laude » qui a vu cette année 10% de sauvignon rejoindre le Rolle dans l’assemblage. Excellente initiative pour ce vin qui y a gagné en sapidité et en fraîcheur. Le « Luna Plena » fait un malheur dans la restauration des Alpilles où vous pouvez maintenant le retrouver sur quasi toutes les bonnes tables du coin. Les rouges 2017 qui nous avaient bluffé l’an dernier confirment leur excellente tenue avec notamment un « Incipit » de derrière les fagots qu’on ne peut décrire que comme un vin qui a pris le meilleur du cépage et du terroir. Bravo au maître de chais Badigh et à Antoine Dürrbach qui ont réalisé là un travail d’orfèvre. Le Vespro lui avance comme un funambule entre Syrah et Cabernet et possède un très bel équilibre. En 2018, Le travail réalisé sur les sols depuis cinq ans a porté ses fruits et nous sommes assez stupéfaits du résultat final. Quelques essais d’assemblage semblent indiquer que le domaine tient là un millésime dont la tenue et la longueur feront tout le charme, et comme la quantité était aussi au rendez-vous, elle a permis de fluidifier le vin dans une harmonie impressionnante. Top niveau.

Plus que jamais et au vu de la qualité montante, l’achat primeur devrait rester une priorité permettant de sécuriser les allocations car la renommée du domaine se répand comme une trainée de poudre.

 

Après ces diverses dégustations et autres bouteilles dégustées à gauche et à droite dans les restaurants de cette belle ville de Saint-Remy, nous pouvons affirmer sans crainte la grande qualité de ces deux derniers millésimes dans le sud de la France.

 

@ pierre Ghysens, mai 2019